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pApAs fritAs – Interview

pApAs fritAs

pApAs fritAs : Tony Goddes Début janvier, les rumeurs (enfin, les gens qui écoutent les disques avant qu’ils ne sortent) ne cessent de nous chuchotter à l’oreille que le nouveau pApAs fritAs, c’est d’la bombe bébé. Le trio, qui a trouvé refuge chez Spirit pour sa distribution française, confirme effectivement avec ce disque qu’en matière de pop efficace et cultivée, il n’a pas son pareil. Trois mois plus tard, alors qu’une tournée marathon les conduit aux quatre coins de la France, il est plus que largement temps de revenir sur l’entretien (marathon, lui aussi) que nous accorda alors Tony Goddess, en visite express à Paris (mais qu’est-ce que c’est long à retranscrire un entretien marathon).

Comment s’est établie la relation avec Spirit of Jungle, un label de Chamberry, alors que vous n’avez joué que deux fois en France ?
Quand nous avons joué en Belgique, nous avons rencontré les gens de 62TV, un label de là-bas, … nous leur avons ensuite écrit, ils étaient d’accord pour sortir l’album et ils nous ont dit d’appeller leur ami Pedro, de Spirit, en France, qui était enthousiaste à l’idée de sortir le disque.

Vous enregistrez toujours vos albums dans d’étranges endroits. Quelle est l’influence sur le résultat final ?
Le premier album a été enregistré dans une toute petite pièce. Nous avions mis un tee-shirt dans la grosse caisse pour étouffer le son, et nous jouions le moins fort possible. Ce sentiment de confinement se retrouve sur le disque.
Pour le second, j’avais emménagé dans un endroit beaucoup plus grand, une ancienne école, d’où le son bien plus ample, moins retenu. Quant au nouvel album, nous en avons enregistré une partie dans cette même maison, mais nous avons voulu un son moins fort, plus sec. Pour le reste, les rythmiques et les claviers ont été enregistrés chez moi, sur mon 8-pistes. Puis nous avons tout rentré dans l’ordinateur d’un ami, et nous avons fini par les voix et les guitares, en essayant d’insonoriser son appartement, qui se trouve en plein Boston.
De manière générale, j’aime que la musique reflète notre environnement, qu’on n’aie pas l’impression qu’elle a été conçue par des scientifiques dans un laboratoire, en milieu stérile.
De toute façon, nous ne pourrions pas nous permettre de passer trop de temps dans un vrai studio, nous avons besoin de temps pour expérimenter.

Est-ce que ce troisième album est l’album de la maturité ?
Oui, je le pense. Deux semaines après avoir signé avec Minty Fresh, un de leurs autres groupes, Veruca Salt, a commencé à avoir beaucoup de succès. Et j’ai réalisé que beaucoup plus de gens que prévu allaient être amenés à découvrir notre musique. J’utilisais un 8-pistes pour la première fois de ma vie. Nous nous sommes dit : « Faisons notre truc, sonnons comme aucun autre groupe ». Nous avons enregistré les instruments d’une façon assez bizarre, en les branchant directement, sans passer par des amplis. Nous chantions de façon très naturelle, sans vouloir faire trop professionnel. Comme Jonathan Richman, ma première influence. L’important, c’était d’être original et honnête.
Pour le second album, j’avais assimilé plus de techniques d’enregistrement, je m’amusais à faire sonner la batterie comme les Beatles ou Al Green. Arrivé au troisième, j’avais compris que nous pouvions conserver notre originalité, tout en mettant à profit mes connaissances pour améliorer la production. Même si on peut trouver que notre son est plus commercial, notre singularité est toujours là. Je crois que c’est notre album le plus abouti. Les paroles également, elles signifient plus pour moi, celles du deuxième album étaient plus pop, plus légères.

Vous semblez influencés aussi bien par le rock et la pop des sixties que par le son des groupes new wave américains comme les Feelies, Talking Heads, B52’s… Ce sont des styles de musiques qui vous sont familiers ?
J’aime beaucoup le premier album des Feelies, mais je ne l’ai pas réécouté depuis des années. Quelqu’un m’a dit récemment que je devrais me replonger dans leurs disques, car sur certains morceaux, nous avons le même style de jeu de batterie qu’eux : très sec, inflexible. En fait, notre son de batterie me fait plutôt penser à des artistes des années 70 comme Fleetwood Mac, Stevie Wonder, Steely Dan… Je veux qu’on ait l’impression d’avoir la batterie à l’intérieur du corps, et d’entendre la mélodie autour de soi.
Pour moi, c’est la musique des années 60 qui était la plus riche mélodiquement, avec de nombreux changements d’accords, comme chez Burt Bacharach. Dans « Yesterday » des Beatles, il y a trois changements de gammes. Même si l’auditeur ne connaît rien à la composition musicale, il ressent certaines émotions quand la mélodie passe d’un accord majeur à un accord mineur. C’est inconscient.
Dans les années 70, la musique s’est appauvrie. Il y avait trop de groupes qui voulaient sonner comme les Beatles… Avec la new wave, le rock est redevenu excitant. Les B52’s, par exemple, avait un côté dingue. ils ne cherchaient pas à ressembler aux autres, mais voulaient apporter quelque chose de neuf.
Comme eux, les meilleurs groupes sont le produit des individualités qui le composent, et non simplement un chanteur accompagné par n’importe quels musiciens. Il faut qu’il y ait une alchimie.

Vous avez tourné avec beaucoup de groupes. Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
The Flaming Lips… quand j’étais jeune, j’écoutais du speed metal, Metallica, Voivoid… et puis je suis tombé sur un disque des Flaming Lips et je l’ai acheté, à cause de la pochette, sur laquelle il y avait des crânes et des flammes. C’était fabuleux, il y avait du piano dessus, mais ce n’était pas comme sur les disques de mon père, c’était neuf pour moi. Ensuite, les Flaming Lips m’ont orienté vers les Butthole Surfers, Dinosaur Jr. Et puis je me suis retrouvé devant eux, à leur raconter combien ils m’avaient appris, dix ans avant. Je crois que ça leur a fait plus de mal que de bien que je leur dise ça, parce qu’ils ont réalisé que cela faisait dix ans qu’ils jouaient ensemble !
The Cardigans nous ont inspirés aussi. Pendant notre tournée commune, ils avaient un numéro un dans tout le pays et nous, nous dînions tous les soirs avec eux ! D’ailleurs, sur l’album, il y a une chanson « Far From An Answer », qui sonne comme les Cardigans. Elle aurait pu avoir un feeling plus Phillie sound, mais bon, je plaide coupable.

Dans le livret du premier album, vous êtiez photographiés endormis. Est-ce que les rêves ont une influence sur vos paroles ?
C’est possible. Mais nos chansons ne racontent pas nos rêves. Un texte ne peut pas être aussi direct, aussi brut. Quand j’écris des paroles, je commence par marmonner , je noircis des pages et des pages, et puis ensuite, je donne un sens à tout cela, je me les approprie : c’est ce qui fait qu’une chanson comme « I Believe in Fate » devient très personnelle. Cette phrase a maintenant une résonance particulière pour moi, car pour la première fois de ma vie, je suis en train de m’engager dans une relation sérieuse avec quelqu’un. Donc la chanson parle d’expériences personnelles, comme « Lost in a dream » qui parle du besoin que nous avons de nous évader dans le rêve.

Pensez-vous que vous cet album pourrait vous permettre d’accéder à un certain succès ?
Je n’attache pas beaucoup d’importance au fait d’être célèbre. Je ne suis pas assez beau gosse pour être célèbre ! Ce qui compte pour moi, c’est de faire de la musique, c’est ma passion. Pour l’instant, je suis obligé de travailler pour vivre et je veux juste gagner ma vie et continuer à jouer de la musique. Donc bien sûr, j’espère que nous allons avoir plus de succès, mais seulement pour pouvoir continuer à vivre ma passion. En fait, faire partie d’un groupe, c’est la situation la plus difficile. Quand on est un artiste solo, on peut tout faire chez soi, assez rapidement. Nous, nous sommes trois à partager toutes les décisions. Une fois le contrat signé, on doit se débrouiller. Dans ce métier, il n’y a pas de juste milieu. Soit on crève de faim et on dort par terre chez les gens qui veulent bien nous héberger après les concerts, soit on est au sommet. C’est notre dernier album pour ce label. Peut-être qu’on resignera pour un peu plus d’argent…. peut-être que je commencerai à faire des albums de mon côté également… peut-être qu’on essaiera de vendre des chansons par internet, comme Todd Rundgren…

… ou pourquoi pas écrire des chansons pour d’autres, comme Randy Newman… ou même pour Randy Newman ?
(rires) quand j’ai écrit « Rolling in the sand », j’écoutais beaucoup Randy Newman (il entonne « Lonely at the top »)… Mais ce genre de songwriting est mort aux Etats-Unis… Rufus Wainwright, peut-être…

Tony et la Spirit Team

Comment se passent vos concerts ?
Avant cet album, je prenais la musique vraiment au sérieux. Maintenant, après avoir tourné, trouvé un boulot, m’être impliqué dans une relation amoureuse, j’ai réalisé que le groupe fait partie de moi, mais n’est pas tout moi. Du coup, je suis plus décontracté lors des concerts. Nous avons aussi deux personnes de plus pour nous aider lors des concerts, alors c’est plus facile, je peux chanter, danser, m’amuser.

Est-ce que vous avez des contacts avec vos fans ?
Oui, oui, pendant les tournées, on essaie toujours d’assister aux concerts avant nous, dans la salle… Après, on vend nos tee-shirts et nos cds. On reçoit pas mal d’e-mails, également. C’est bizarre parfois, parce que les auditeurs écoutent nos CDs et viennent avec leur propre image de nous. Et nous on descend de la scène et on redevient des gens normaux. J’ai l’impression qu’on brise le mythe. Je me demande si on ne devrait pas s’abstenir de leur parler, pour préserver le mythe ! Je pense qu’il est important de rester honnêtes, normaux, de ne pas jouer les rock-stars.

Vous sentez-vous proches d’autres groupes aux Etats-Unis ?
Oui, il y a vraiment une scène pop aux Etats-Unis, très influencée par les sixties, avec des groupes comme Olivia Tremor Control, Apples in Stereo, Neutral Milk Hotel. Nous avons joué avec tous ces groupes. Je pense que Neutral Milk Hotel est un groupe vraiment original.

Est-ce que vous écoutez beaucoup de musique, achetez beaucoup de disques ?
Je travaille dans un magasin de disques… j’achète autant de cd que je peux me le permettre, mais je ne suis pas collectionneur, de par mon boulot, je peux en écouter beaucoup, en prendre un, le reposer après l’avoir écouté…

… un petit côté « Haute Fidélité » alors…
Un livre assez déprimant… c’est vrai que les gens qui écoutent de la pop sont les plus dépressifs. D’ailleurs, je n’écoute plus trop de pop, peut-être parce que j’en fais…

propos recueillis par Vincent et Guillaume. Photos par Guillaume.

Chronique de « Buildings and Grounds« 

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