Belle And Sebastian – Black session – 05.oct.’98
Par Loic Blanchot
Photos: Laurent Orseau
Nice dream number one
Je suis un habitué des black sessions. Cette soirée commence donc, comme d’habitude, par les retrouvailles avec les amis dans le grand hall, puis vient l’attente du départ groupé vers le studio 105. Seulement cette fois, toutes les discussions concernent Belle And Sebastian : un mélange d’interrogation et d’excitation à propos de la première apparition parisienne de ce groupe tant attendu (au tournant ?)
Les petits plats sont dans les grands : Le grand piano à queue est de sortie, la télévision est – finalement – présente et Lenoir programme un Felt pour accueillir les écossais. Les 8 protagonistes du groupe (Stuart M., Stuart D., Isobel, Sarah, Chris, Stevie, Mick et Richard) envahissent la scène du studio 105 et nous rassurent d’emblée sur les rumeurs de froideur et de timidité excessive, rapportées par certains journalistes, en s’installant tout proche du public. D’ailleurs Stuart démontrera tout au long de cette session qu’ils savent aussi très bien communiquer avec l’audience.
The state i am in
Comme la très grosse majorité du public présent ce soir, c’est la première fois que j’assiste à un concert de leurs concerts. Cela fait tout drôle d’entendre enfin en live ces chansons que l’on connaît par cur, partagé entre les sensations contradictoires de vivre un grand moment et d’avoir toujours été présents à leur cotés, comme dans une grande famille. Mieux vaut tout de même apprécier la musique car ici pas de spectacle, pas d’artifices. Ils sont très naturels (certains diraient d’une banalité affligeante!). On peut tout juste s’amuser à suivre ces musiciens migrateurs – de la guitare à la trompette ou du clavier au chant – et à sourire de l’attachement d’Isobel à son cahier de musique.
Sans doute conscients que la totalité du public des concerts strasbourgeois et parisiens écoutait aussi la session radio, ils nous proposent une setlist très différente : peu de titres du dernier album (Dirty dream #2, Sleep the clock around), de nombreux inédits (Slow graffiti, I know where the summer goes, Paper boat, The wrong girl) et une reprise étonnante et magnifique de poupée de cire et poupée de son.
But it all fades into morning when you open your eyes
Après 55 minutes, ils quittent la scène… Restent la possibilité de les rencontrer à la sortie de la maison de la radio (et de leur dire combien ils nous sont devenus indispensables), les rêves et
le plaisir de replonger de nouveau dans cet univers si touchant et si proche dès le lendemain soir. Pour un tout autre challenge cette fois : La Cigale !
Belle and Sebastian – Concert, La Cigale – 06.oct.’98
Par Stéphane Buron – Tweeclub
Les détracteurs de Belle and Sebastian se moquent tant du manque de professionnalisme, de la timidité et des maladresses des membres du groupe qu’on était en droit de redouter ce concert. La Cigale, c’est un peu l’épreuve de la grande salle avec plus de mille personnes… Bien sûr, ça reste modeste, mais c’est autrement plus impressionnant, pour des artistes soi-disant timides et plus ou moins autistes c’est du moins ainsi que les décrivent nombre de journalistes , qu’un studio de la Maison de la Radio… Et puis on pouvait se rappeler l’expérience de Londres ou de Nottingham, quelques mois auparavant : expérience douloureuse pour certains parce qu’on n’entendait rien, que le public continuait à parler pendant les morceaux, que la balance n’était pas parfaite…
Prêt à être déçu, le public parisien de la Cigale semble pourtant avoir été enthousiasmé. Enthousiasmé d’abord par le comportement des membres du groupe, qui n’ont absolument rien d’autistes. Ce sont simplement des gens comme vous et moi, qui ne sont pas habitués à jouer leur musique devant des milliers de personnes, qui sont un peu timides mais et c’est l’essentiel qui sont naturels et savent communiquer avec leur public et lui montrer que, oui, ils aiment la musique qu’ils font. Sur scène, ça sourit, ça se raconte des blagues, ça passe d’un instrument à l’autre, ça chante tour à tour. Le public, ensuite et surtout, a été enthousiasmé par la musique et la setlist : finalement, quatre chanteurs différents se sont succédés sur scène, chacun pour interpréter un morceau de sa composition, l’ovation la plus impressionnante revenant à Isobel Campbell qui a su séduire le public français avec la reprise de Poupée de cire, poupée de son… Grâce à cette diversité qui fait alterner les chanteurs mais aussi les morceaux récents du dernier album, des morceaux anciens comme ceux de Tigermilk ou ceux des trois EPs ou encore des morceaux inédits (le splendide Lord Anthony sur lequel la voix angélique et si fragile de Stuart Murdoch atteint la quasi-perfection…), grâce à cette diversité donc, on ne peut pas s’ennuyer : on oublie trop souvent que Belle and Sebastian a déjà à son actif trois albums et trois EPs de quatre titres chacun. Ca laisse de la marge pour faire des concerts variés d’un jour sur l’autre. D’autres groupes se seraient contentés de reproduire la setlist de la veille à la Cigale. Pas eux. Alors, le concert de l’année ? Oui, et je ne suis pas le seul à le penser. Pas le seul à avoir été bouleversé par ces mélodies parfaites et ému par la voix de Stuart Murdoch qui monte, monte, monte devant un millier de personnes estomaquées et silencieuses. Après les avoir vus et entendus en concert, on n’écoutera plus leurs disques ni ceux des autres groupes de la même manière. Parce que, non contents d’avoir atteint une maîtrise presque totale de leur musique, ils ont, eux, un truc qui manque tant aux autres : une âme.